Fautes du gérant de SCI – Désignation d’un tiers pour gérer la société à sa place (Administrateur provisoire)

La naissance d’un conflit d’associés.

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Dans un nouvel arrêt, quoi qu’inédit, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation rend une nouvelle décision en matière d’appréciation des conditions de désignation d’un administrateur provisoire, et illustre encore une fois, les manquements du gérant susceptibles de rendre opportune sa désignation.

La naissance d’un conflit d’associés.

Dans cette affaire, deux époux ont constitué une société civile immobilière (SCI), Monsieur était nommé gérant, bien que minoritaire (20%), Madame détenait le reste des parts sociales (80%).

Le même jour, Madame signait un contrat avec Monsieur, qui visait à reconnaitre qu’elle « portait » les parts sociales de Monsieur, qui était véritablement propriétaire. Peut-être que cette stratégie visait à obtenir plus facilement un financement bancaire, en affichant officiellement Madame comme associée majoritaire.

Les fautes de gestion du gérant de SCI

Les lecteurs ne sont pas sans savoir qu’un gérant de SCI a des obligations, et notamment celle de convoquer une fois par an les associés à une assemblée générale ordinaire, visant à approuver les comptes sociaux. Les associés réunis doivent donc voter sur un procès-verbal, l’approbation des comptes de l’année précédente, et le quitus au gérant.

Les modalités sont prévues dans les statuts de la SCI, les associés sont convoqués par lettre recommandée, avec des pièces spécifiques permettant de voter en connaissance de cause.

Manifestement, le gérant ne respectait pas cette obligation.

C’est la raison pour laquelle Madame a sollicité du juge, la désignation d’un mandataire ad hoc, afin de prendre la place du gérant temporairement, et de convoquer lui-même cette assemblée générale.

Les différences entre mandataire ad hoc et administrateur provisoire

Attention : La désignation d’un mandataire ad hoc et administrateur provisoire, intervenant au sein des entreprises fait régulièrement la une de l’actualité en droit des sociétés, puisque ils sont issus d’une création pure de la jurisprudence.

  • Un mandataire ad hoc est chargé par le juge d’une mission précise. Les dirigeants conservent leurs attributions. Il est donc plus facile çà faire désigner.

 

Un associé non-gérant de SCI peut à tout moment demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée, s’il ne le fait pas (silence ou refus), l’associé peut demander au juge de désigner un mandataire ad hoc chargé de cette mission spécifique. 

 

Souvent, il est désigné pour convoquer une assemblée générale d’approbation des comptes en cas de défaillance du gérant. 

 

  • Un administrateur provisoire intervient dans des circonstances plus exceptionnelles puisqu’il se positionne en lieu et place de ses organes sociaux. C’est la raison pour laquelle deux strictes conditions doivent être réunies (C.Cass, 18 mai 2010, N°09.14.838)
  • Une atteinte au fonctionnement normal des organes sociaux. Il faut alors démontrer l’existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société.
  • L’exposition de l’intérêt social à un péril imminent.
désignation d’un tiers ou administrateur provisoire pour diriger la SCI.

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La désignation d’un tiers pour diriger la SCI.

Entre temps, Monsieur est venu contester la titularité des parts sociales de Madame, elles ont donc été placées sous séquestre le temps d’obtenir une décision définitive. La question de la titularité des parts sociales est colossale dans cette affaire, puisque seul un associé peut demander à ce qu’un mandataire ad hoc soit désigné pour la société.

En attendant que la question soit tranchée, Madame a assigné la SCI et son gérant, en désignation d’un administrateur provisoire.

Monsieur est venu s’opposer à cette demande.

La désignation d’un administrateur provisoire.

Les juges du fond ont accepté de désigner un administrateur provisoire, lequel s’est substitué au gérant dans la gestion de la SCI.

Mécontent, le gérant dont les pouvoirs sont suspendus, se pourvoit en cassation.

Il reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir suffisamment caractérisé les deux conditions cumulatives, savoir :

  • Une atteinte au fonctionnement normal des organes sociaux
  • L’exposition de l’intérêt social à un péril imminent.

La condition de l’exposition de la SCI à un péril imminent

Il insiste particulièrement sur la seconde condition qui n’était selon lui pas respectée.

De son côté, la Cour d’appel a relevé que, Monsieur faisait obstacle aux demandes d’informations de Madame, et que d’importantes irrégularités étaient constatées dans le cadre de la procédure de divorce, dans les comptes sociaux d’une autre société (SNC – société en nom collectif) dont les deux époux étaient aussi coassociés.

Monsieur considérait qu’une société, non concernée par le litige actuel, ne pouvait permettre de justifier la condition d’un péril imminent, et donc que l’argument privait la décision des juges d’appel de base légale.

La condition de l’exposition de la SCI à un péril imminent

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L’appréciation par la Cour de cassation des conditions de désignation d’un administrateur provisoire.

La Haute Cour a relevé :

  • Que Monsieur n’avait jamais fourni à son épouse, les éléments comptables et financiers de la SCI,
  • Que malgré ses réclamations, il n’avait convoqué aucune assemblée générale, et ce même lorsque les relations se sont dégradées.
  • Que Monsieur faisait obstacle à toutes démarches du Mandataire ad hoc, en vue d’obtenir des renseignements sur la SCI,
  • Qu’en plus de tout cela, des irrégularités ont été relevées s’agissant d’une autre société détenue par le couple, dont les deux étaient associés à parts égales. Ce dernier élément venait étayer les allégations de Madame, quant aux irrégularités pointées dans la SCI objet du litige.
  • Qu’enfin, l’absence de l’établissement de comptes annuels rendait impossible l’appréciation de la situation financière de la SCI.

 

La Cour considère alors, en soutenant la Cour d’appel :

« 12. Elle a pu en déduire, procédant à la recherche prétendument omise, que cette obstruction systématique de M. [S], qui empêchait Mme [Z] d’accéder à toute information relative à la société et alimentait ses soupçons sur l’existence d’éventuels détournements de biens sociaux, caractérisait un péril imminent justifiant la désignation d’un administrateur provisoire. »

C’est donc à bon droit que les juges du fond avaient jugé les conditions cumulatives remplies, et notamment celle relative au péril imminent de la SCI.

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